Projet FabLab féminin : le CIPP veut faire entrer les femmes autochtones de plein pied dans l’ère du numérique
Djeneba Dosso
Le Centre d’Innovation des Premiers Peuples (CIPP) s'apprête à ouvrir un nouveau FabLab dans la réserve de Mashteuiatsh. Ce projet couronné de succès, qui a enregistré des taux de participation et d'obtention de diplômes élevés, est le premier du genre au Canada pour les communautés autochtones.
L'ouverture du nouveau site sera financée par le gouvernement du Québec grâce à un investissement de 300 000 $ annoncé le 8 février.
« Cet appui symbolise notre engagement à soutenir les initiatives concrètes de cette noble cause afin qu'elles continuent d'aller de l'avant », a déclaré Suzanne Tremblay, députée de Hull, dans un communiqué. « Nous sommes fiers d'appuyer cet organisme ».
Le CIPP a parcouru un long chemin depuis qu'il a ouvert ses portes en 2012, et cet investissement lui permettra d'élargir ses activités en rendant ses ressources et ses programmes accessibles dans les réserves.
« Lorsque nous avons commencé, nous étions trois personnes qui se réunissaient dans le cadre de conférences partout au Québec pour discuter de ce qui peut être fait et de la façon dont nous pouvons être utiles aux Autochtones », a déclaré la directrice générale, Céline Auclair. Aujourd’hui, dix ans plus tard, l’équipe du CIPP compte 30 employés, dont 76 % sont des membres des Premières Nations.
Le CIPP a développé son FabLab en s'inspirant du modèle du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Le concept de FabLab, qui signifie « laboratoire de fabrication », a été créé par le MIT en 1990 et, depuis le lancement du premier FabLab en 2001, l'initiative a connu une popularité croissante chaque année, principalement en raison de son caractère illimité en termes de contrôle créatif.
Ce qui différencie le FabLab du CIPP des autres, c'est qu'il est conçu pour les populations autochtones dans le but de stimuler l'innovation sociale et technologique parmi les femmes de ces communautés. Lors de l'ouverture du premier FabLab dans la communauté de Uashat mak Mani-Utenam, l'accent a été mis sur l'intégration des racines de chaque femme dans le programme.
« La culture est très importante ici, a déclaré Mme Auclair. « À leur arrivée, dès le premier jour, nous leur disons : « Vous savez, vous n’êtes pas une personne autochtone ─ il s’agit d’un terme générique, qui signifie tout et n’importe quoi en même temps. Vous êtes Innus, vous êtes Anishinaabe, vous êtes Cris, vous êtes Ojibway, vous êtes Inuit. Soyez fiers de votre nation. »
En plus des instructeurs, un facilitateur culturel est affecté à chaque cohorte pour s’assurer que chaque participante se sente représentée. Cela se fait aussi parce que beaucoup de femmes qui participent au programme n’ont jamais été exposées à la technologie auparavant.
« La moitié d'entre elles n'avaient jamais utilisé d'ordinateur auparavant. Certaines ne savaient pas ce qu'était une souris, et elles riaient, vous savez, [en repensant] au moment où nous leur avons présenté la souris, et maintenant qu'elles ont terminé cette formation numérique très sophistiquée ».
Le programme, qui est ouvert à tous les âges et dure huit semaines, est extrêmement pratique puisque les femmes commencent à utiliser l'équipement dès le premier jour.
« C’est une plate-forme où nous pouvons prototyper des articles très différents à l’aide de différents équipements, tous contrôlés par des ordinateurs », a expliqué Mme Auclair au sujet de l’équipement FabLab. « Nous pouvons donc faire de l’impression 3D, des découpes au laser, voire de la broderie numérique. Nous travaillons beaucoup avec différents types de matériaux comme le bois, le métal, le verre et même les os ».
Si l’équipement peut sembler intimidant au premier abord, les étudiantes sont toujours encouragées à « tout apprendre une étape à la fois », ce qui se reflète dans les taux de diplomation, qui se situent actuellement entre 75 et 85 %. De plus, tout au long de leur formation, les femmes sont guidées par des instructeurs et des assistants-instructeurs qui sont souvent d’anciens élèves ayant démontré qu’ils « avaient une facilité pour le transfert de connaissances », ce qui constitue une grande part du programme.
Un autre élément essentiel du programme est l'idée de collaboration. Chaque prototype réalisé peut être partagé à travers le monde, ce qui permet à quiconque d’obtenir les connaissances les plus récentes et de ne pas avoir à repartir de zéro.
Pour des étudiantes comme Antina-Jenell Powderhorn, qui participe au FabLab féminin depuis septembre et fait maintenant partie de la cohorte avancée, des programmes comme celui-ci sont essentiels.
« C’est important parce que nombre de ces personnes ne voient pas qu’il y a des possibilités pour elles, et pensent que du seul fait de leur situation ou de l’endroit où elles ont grandi, il leur est impossible d’atteindre les choses qu’elles veulent atteindre. Elles tombent dans le cycle du traumatisme générationnel ».
Le FabLab avancé, qui forme les femmes au codage, vise à rapprocher chacune d’entre elles d’une carrière dans le monde numérique.
Légende photo 1 : Extérieur du FabLab ONAKI situé à l'intérieur du Centre d'innovation des Premiers Peuples dans le Vieux-Hull, à Gatineau. Crédit photo : Djeneba Dosso
Légende photo 2 : Cohorte avancée d’un atelier du FabLab; l'instructeur se promène dans la salle pour aider les participantes au besoin. Crédit photo : Djeneba Dosso
Légende photo 3 : Antina-Jenell Powderhorn, membre de la cohorte avancée. Crédit photo : Djeneba Dosso
Trad. : MET