Lettre publique:
Les vestiges des rapides Deschênes : vivre ici, c’est comme vivre dans un poème qui touche tous les sens et qui fait du bien
Martine Chartrand, Photographie Plasticienne
Avez-vous déjà pris le temps d’explorer les alentours des rapides Deschênes? Avez-vous remarqué qu’il y plus que juste des vestiges à défendre à cet endroit? Moi, j’ai le privilège ultime à cet effet. Je suis résidente du quartier Deschênes et artiste photographe, qui depuis 2019 documente ma relation de pleine conscience avec la rivière des Outaouais entre le parc des cèdres et plus en concentration dans mon nouveau quartier depuis 2021.
Quand nous avons aménagé dans le quartier, la première chose que j’ai remarqué, c'était la tranquillité du quartier. Ce n’est pas une farce! Ce quartier est tellement paisible, qu’au début je trouvais ça étrange! Partout, dans le quartier, on peut facilement entendre la force impressionnante des rapides Deschênes. Il y avait une bonne raison pour que cet endroit abrite le premier barrage électrique de l’Outaouais entre les années 1896-1926.
Au moment où je vous écris cette lettre, le printemps arrive à grand pas. Je constate ceci car nous entendons les chants de multiples espèces d’oiseaux à toutes les heures de la journée, dans notre quartier. Ceci me dit qu’après tant de visite menée auprès des vestiges des rapides Deschênes que la petite Île Conroy, ou comme on l'appelle dans le quartier, île aux oiseaux, va entreprendre de grand changement dans les prochaines semaines. En effet, il y a plus de 266 espèces d’oiseaux qui fréquentent le quartier. Cette île est un important arrêt dans le chemin migrateur de plusieurs espèces qui y font leur nidification. A tour de rôle, les goélands, la grande aigrette et les cormorans à aigrette arrivent à cette destination chaque année. Cette île est juste à côté des vestiges des rapides Deschênes.
Vous-avez surement entendue dans les dernières semaines, que le ministère des transports et de la mobilité durable a commencé à entreprendre leurs démarches de la démolition de celle-ci avec une récente dépense de 634 000$! Bien sûr que cet argent aurait pu être dépensé autrement ou il y a plus de besoin comme plusieurs ont dénoncé, tel que la santé, l'itinérance, le logement et les routes…Ce que je veux souligner aujourd’hui, c’est les effets dévastateurs que cette démolition va avoir sur l’impact environnemental et moral. Le quartier et ses habitants ne vont pas avoir l’aspect paisible que ce quartier a depuis plusieurs décennies. Bien sûr, le progrès est toujours bienvenu pour la prospérité de l'économie dans un quartier, mais la démolition des vestiges n’apportera pas ceci.
L'écosystème qui s'est bâti autour et à cause de ces vestiges abandonnés pendant des décennies est devenu important pour la faune, la flore et les habitants qui habitent autour.
Et même si le processus de démolition est fait de manière équitable et responsable, ceci va s'étendre pendant plusieurs années. Le chemin migratoire de plusieurs va être chambranle et une partie de la rivière va être assécher. Bien sûr, la nature est résiliente et va se rebâtir, mais est-ce que toute cette destruction est nécessaire?
Si c’est une question de sécurité, il suffit de sécuriser les berges. Et ceci, serait moins coûteux et l'écosystème pourrait rester intact. Et avec le temps, les vestiges vont se désintégrer par elle-même. Ainsi, le cycle de l'écosystème va se dérouler naturellement sans avoir d’impact sur les espèces. On peut ainsi faire comme nos voisins de loin, les Britanniques, et garder nos vestiges du passé. Un peu d’histoire ne cause de mal à personne.
Avec la documentation de cet environnement, j’ai développé une relation de pleine conscience vis-à -vis de cet écosystème. Je suis devenue une observatrice et j’ai formé une relation respective avec la rivière et ses berges. Et ainsi, elle est devenue comme une famille pour moi. Et ce, j’ai pu constater ce même sentiment auprès du voisinage. Il n’y a pas de mensonge quant au bienfait de la nature sur la santé humaine. C’est très important.
Tout ce que je souhaite pour les vestiges des rapides Deschênes, c’est qu’elles puissent se désintégrer naturellement avec le fils du temps et non par la main du gouvernement. Vivre ici, c’est comme vivre dans un poème qui touche tous les sens et qui fait du bien.
J’invite les gens à venir visionner une installation sur ma documentation poétique, La Rivière et La Bergère. Cette exposition se déroule dans les vitrines de l’école d’art d’Ottawa, du 9-23 avril au 35 rue George, Ottawa. Pour plus d’information
https://www.instagram.com/touskifaitoutmartine/
P.S Je lance une invitation à madame Guilbault du ministère du transport et de la mobilité durable et monsieur Lacombe du ministère de la culture et des communications de venir prendre une marche avec ma famille et moi dans ce quartier pour constater sa beauté et sa nécessité. Apporter vos espadrilles!