Entretien avec Sophie Chatel, députée de Pontiac, concernant la décision de Meta de bloquer les nouvelles canadiennes
Greg Newing
Dans la foulée de la décision de Meta ─ maison mère de Facebook et propriétaire d'Instagram ─ de bloquer l'accès aux contenus d'information canadiens sur ses plateformes en réponse à l'adoption du projet de loi C-18, nous avons communiqué avec la députée Sophie Chatel pour connaître son point de vue sur la question et se renseigner sur les mesures déployées par le gouvernement fédéral pour soutenir les médias canadiens.
Aux termes du projet de loi C-18, aussi connu sous le nom de Loi sur les nouvelles en ligne, les « géants du Web » ─ essentiellement Meta et Google ─ seront tenus de verser une redevance aux médias canadiens dont les contenus sont partagés sur leurs plateformes. Jusqu'ici, ces géants ont bénéficié injustement des contenus d’actualité partagés sur ces plateformes. Le projet de loi, qui vise à protéger nos entreprises de nouvelles en s'assurant qu'elles sont rémunérées équitablement, a obtenu la sanction royale en juin, mais n'entrera pas en vigueur avant le mois de décembre. Meta et Google s’opposent farouchement à cette loi, Meta ayant décidé de bloquer l’accès aux nouvelles canadiennes sur ses plateformes (Facebook et Instagram) au mois d'août, et ce, même si l'entrée en vigueur de la loi n'est prévue qu’en décembre. Google a menacé de faire de même dès que le C-18 l'entrée en vigueur de la loi.
Invitée à s'exprimer au sujet du C-18 et des agissements de Meta, Mme Chatel s'est dite préoccupée par ce qu’elle considère comme une tactique d’intimidation envers la démocratie canadienne, « Les médias locaux sont essentiels pour la démocratie et pour fournir à nos communautés des renseignements fondés sur des faits […] Bien que le projet de loi C-18 ne soit pas encore en vigueur, Meta a décidé de bloquer de façon préventive l’accès aux nouvelles pour faire pression sur le gouvernement canadien ».
Mme Chatel espère que le gouvernement sera en mesure de ramener Meta à la table des négociations et de parvenir à une entente avant la fin de l'année. La députée a fait remarquer que l'abrogation de la loi n'est pas une option. « En 2022, Google et Meta ont empoché plus de 10 milliards de dollars grâce à la publicité en ligne, tandis qu'au cours de la même période, plus de 500 salles de rédaction ont été forcées de mettre la clé dans la porte. Il s’agit d’une crise majeure et il est impératif de changer les choses; sinon, de plus en plus de salles de rédaction sont appelées à disparaître ».
Interrogée à savoir de quelle façon ces développements influeront sur les méthodes qu'elle emploie pour communiquer avec les résidents de Pontiac, Mme Chatel a indiqué que bien qu’elle possède une page Facebook, elle privilégie les échanges en personne et la communication par le biais des médias locaux. « C’était un choix personnel d’investir la quasi-totalité de notre budget de publicité et de communication dans les médias locaux, y compris la radio et les journaux de la circonscription », a-t-elle déclaré, assurant qu'elle conservera ces habitudes.
Lorsqu’on lui a demandé si le gouvernement fédéral comptait réinvestir une plus grande partie de son propre budget publicitaire dans les médias canadiens après avoir retiré en juin toute publicité des plateformes de Meta, Mme Chatel a répondu que si la crise a incité le gouvernement à revoir sa stratégie publicitaire, aucune décision n’a encore été prise.
La députée Chatel dit encourager le gouvernement à investir dans les médias canadiens traditionnels par le biais de campagnes publicitaires afin d'aider les gens à comprendre ce que le gouvernement apporte aux Canadiens. « Au-delà de la partisanerie, il s’agit d’aider les gens à comprendre ce que fait le gouvernement », a-t-elle ajouté.
Lily Ryan, éditrice et propriétaire du Bulletin d’Aylmer, du West Quebec Post, du Journal du Pontiac et du Bulletin de Gatineau, abonde dans le même sens que Mme Chatel, affirmant que la réponse de Meta au projet de loi C-18 crée des obstacles à un engagement civique éclairé en menaçant la survie des médias canadiens. Elle exhorte la députée à donner l’exemple et à utiliser les journaux locaux de sa circonscription pour faire de la publicité et communiquer avec les électeurs.
Maintenant que le gouvernement n'a plus recours à Meta pour rejoindre certains publics, Mme Ryan estime que le moment est venu pour celui-ci de réinvestir dans les journaux locaux. Elle a insisté sur l’importance des publicités gouvernementales pour les médias locaux, notant que le manque de soutien publicitaire pour les journaux s’est étendu à plusieurs gouvernements.
« La publicité payée fournit des renseignements importants aux lecteurs et assure des revenus aux journaux, et permet aux équipes journalistiques de consacrer leurs efforts à la production de journaux de qualité plutôt qu'à la gestion de projets de subventions devenus nécessaires pour assurer leur survie. Qu’y a-t-il de nouveau au ministère des Anciens Combattants? L'ARC propose-t-elle de nouvelles exemptions? Comment repérer la gale? Voilà le type de contenu que l’on trouvait auparavant dans les publicités payées du gouvernement fédéral », conclut-elle.